ateliers
d'ethnomusicologie

THE SOUL OF EPIRUS

Pour aller plus loin | 29 novembre 2021 | Angela Mancipe

Le 12 décembre prochain, à l’Alhambra, le quintet Halkias-Kostas clôturera l’édition 2021 de notre festival Les Nuits du Monde. Le concert s’articulera autour de l’album Soul of Epirus, enregistré en 2019 par le clarinettiste Petroloukas Halkias et par le laoutiste Vasilis Kostas. Dans un entretien chaleureux et décontracté, Vasilis nous parle du processus d’enregistrement de cet album, un témoin du patrimoine musical d’Épire.

Propos recueillis et traduits par Angela Mancipe

 

Pochette de l’album The Soul of Epirus, enregistré en 2019 par le clarinettiste
Petroloukas Halkias et le laoutiste Vasilis Kostas. 

 

Merci Vasilis pour cet entretien pour Ethnosphères magazine ! Tout d’abord, parlez-nous un peu de vos débuts en tant qu’interprète de lauto

En 2015, j’ai quitté la Grèce et je suis parti à Boston (USA) pour étudier la guitare jazz au Berkeley College of Music. Durant ma formation, j’ai pu vivre une expérience très enrichissante : essayer un nouvel instrument pendant vingt jours. J’ai choisi le lauto, un luth traditionnel grec proche de la mandoline. De façon un peu étonnante, l’une des premières pièces que j’ai travaillées a été Skaros, l’une des pièces plus les plus exigeantes du répertoire que le clarinettiste Petroloukas Halkias a enregistré. Elle est écrite pour un instrument mélodique comme la clarinette ou le violon, et non pour un instrument accompagnateur comme le lauto. À Berkeley, j’ai eu l’occasion de jouer Skaros pour José Mercé et Pepe Habichuela, célèbres chanteur et guitariste de flamenco, qui m’ont dit : « Arrête de jouer la guitare. Ton avenir c’est le lauto ». Ceci a été un moment très spécial pour moi.

 

 

Skaros, version de Petrolukas Hlakias
Album The Rough Guide to The Music of Greece (2001)

 

Quel a été le point de départ de cette production discographique ?

Depuis lors, je me suis intéressé davantage à l’interprétation des musiques d’Épire (une région à la frontière de la Grèce et de l’Albanie), tout particulièrement le répertoire mélodique joué par Petroloukas Halkias. Très vite, l’école (Berkeley College of Music ) m’a proposé de faire un concert de musique traditionnelle grecque, suivi d’un enregistrement. À ce moment, Petroloukas Halkias est venu à Boston. Il avait déjà 84 ans. Cela a été pour nous l’occasion de jouer ensemble pour la communauté grecque. C’était la première fois qu’un public entendait ces pièces sur un lauto. J’espère qu’ils n’ont pas entendu seulement les mêmes mélodies : j’avais pour intention de m’approcher du goût, du style de jeu et de la manière de penser la musique de ce grand clarinettiste.

 

Comment s’est passé le processus d'enregistrement de l’album et la rencontre musicale de ces deux générations ?

En effet, nous appartenons à des générations très distantes temporellement. Petroloukas Halkias aura bientôt 90 ans, alors que je suis tout juste trentenaire. Cet artiste est une légende vivante, une espèce de « héros » pour beaucoup d’entre nous. Il est également célèbre hors du cercle musical. Par ailleurs, ma famille le connaît, il a joué lors du mariage de mes parents, quand je n’existais pas encore !  C’est pourquoi avoir la possibilité de jouer avec lui constitue un grand privilège pour moi.

Nous avons enregistré la totalité de l’album à Athènes, en trois jours. Cela semble peu, non ? Néanmoins, la préparation pour y arriver m’a pris quatre ans ! J’ai le souvenir que l’enregistrement du disque a été un grand défi ! Et en même temps, tout cela s’est passé de manière très fluide. Je suis admirateur de la capacité de Petroloukas à prendre des « risques » musicalement parlant, à sortir de sa zone de confort pour faire des choses exceptionnelles. Bien entendu, il m’a demandé de le suivre, sans dire un mot, mais à travers la musique. Le niveau d’exigence a été énorme, j’ai tout donné. Je le suis très reconnaissant car cette expérience m’a évidemment énormément apporté.

 

 

Vasilis Kostas (à droite) et Petroloukas Halkias (à gauche).
Photo: Site web de Vasilis Kostas 

 

 

Comment décririez-vous cette rencontre musicale ?

Comme une succession de multiples instants qui donnent naissance à de nouvelles couleurs musicales. Comme je l’ai déjà souligné, le lauto est traditionnellement un instrument accompagnateur. Or, lorsque nous jouons ensemble Petroloukas et moi nous agissons d’égal à égal, comme deux instruments solistes se partageant la parole de la manière la plus équilibrée et organique possible. En nous basant sur des lignes mélodiques traditionnelles, portant l’essence de la musique d’Épire, Petroloukas et moi faisons très souvent recours à l’improvisation. Ceci non pas pour afficher notre virtuosité, ce qui pourrait paraître arrogant ou vain, mais pour donner à entendre une véritable conversation en musique, avec des moments de parole commune et des moments où l’un écoute l’autre. Ces échanges musicaux vivants, imprégnés de nos expériences musicales personnelles, nourrissent ces lignes mélodiques traditionnelles, en les faisant converger vers le présent. Lorsque je parle du « présent », je fais référence à l’instant vécu, ici et maintenant. Et nous agissons de la manière la plus spontanée et sincère possible.

 

 

Parlez-nous un peu du répertoire musical du disque …

Soul of Epirus est un recueil de pièces reprenant le langage des musiques traditionnelles d’Épire. Il s’agit principalement de la musique du clarinettiste,  interprète et compositeur, Kitsos Harisiadis, maître de Philippas Rountas qui a à son tour été le maître de Petroloukas Halkias. Ce disque souhaite mettre en valeur cette filiation de musiciens qui portent en eux l’âme de l’Épire, et qui continuent à transmettre aux générations suivantes leur « philosophie musicale ». Cette philosophie a énormément influencé mon interprétation du lauto.

 

 

 

Vous vous présentez en format quintet le 12 décembre prochain à l’Alhambra. Qu’est - ce qui vous a amené à faire cette adaptation pour la scène ?

Halkias et moi avons décidé d’enrichir le format instrumental de notre duo pour notre concert aux ADEM dans le cadre du festival Les Nuits du Monde, afin de partager avec le public davantage de facettes de la musique d’Épire. Je suis ravi d’avoir à mes côtés Thanasis Vollas, grand joueur de lauto. Le public aura ainsi l’opportunité d’apprécier la complicité qui lie le lauto soliste, virtuose, avec un deuxième lauto, qui assurera la structure harmonique et rythmique particulière de cette musique. Un tel binôme est rare. Nous aurons aussi la chance de compter sur la présence de Kostas Tzimas, l’une des voix les plus extraordinaires d’Épire , un chanteur aujourd’hui admiré de tous les musiciens locaux. Enfin n’oublions pas Petros Papageorgiou, grand percussionniste spécialiste des musiques traditionnelles grecques, qui en quelque sorte reliera le tout. Ce concert représente un projet unique, avec des musiciens qui sentent et vivent la musique de la même manière.

 

 

Souhaitez-vous adresser quelques mots, en particulier, au public, avant le concert ?

Je serai concis : venez partager cela avec nous ! Il n’y a pas de mots pour décrire l’émerveillement que cette musique peut susciter « en live ». C’est pourquoi je vous invite à en faire directement l’expérience le 12 décembre prochain à l’Alhambra !

 ***

 

EN REGARD

LES NUITS DU MONDE : Billetterie du concert The soul of Epirus, cliquez ici.

Concert Steps : Orients revisités. Pour regarder le streaming du concert, cliquez ici.

 

COURS & STAGES aux ADEM en lien avec les musiques grecques :

Informations sur le cours Chant grec, donné par Anna Koti, cliquez ici.
Infos sur le cours de Danses grecques, donné par Pantalis Vervatidis, cliquez ici

 

 

 

à lire également