La profonde dynamique de changement des sociétés contemporaines invite les ethnomusicologues à centrer leur regard sur l’évolution des pratiques musicales, des contextes, des modes de représentation et de diffusion, des phénomènes de transmission et de patrimonialisation. La prise en compte de la « révolution numérique » et des processus de migration et d’appropriation culturelle a imposé aux chercheurs de renouveler leur positionnement et leurs méthodes.
Pour leur 30e anniversaire, les Cahiers d’ethnomusicologie proposent à une vingtaine de jeunes chercheurs de développer une réflexion prospective centrée sur les nouveaux objets, les terrains et les outils récemment apparus, ainsi que sur l’interdisciplinarité, aujourd’hui de plus en plus marquée.
Existe-t-il un humour sonore ? Qu’il s’agisse de chansons comiques ou de formes théâtrales, la musique est souvent mêlée à des constructions humoristiques. Mais qu’apporte-t-elle au juste ? Ce volume propose des descriptions ethnographiques de différents cas d’humour sonore. Il aborde des répertoires, des pratiques musicales et des techniques d’une grande diversité géographique et culturelle. L’analyse porte sur les modalités propres au sonore et sur ses interactions avec d’autres registres expressifs comme le geste ou la danse.
Quels sont les procédés utilisés dans le comique musical (parodie, caricatures, ironie, absurde, etc.) ? Comment les auditeurs les identifient-ils ? Comment l'humour apparaît-il (ou non) lorsque différentes cultures musicales se rencontrent ? Autant de pistes que ce volume explore afin de comprendre les différents processus impliqués dans le comique musical.
L’ethnomusicologie appliquée désigne un courant de la discipline qui se veut impliqué ou engagé dans une forme ou une autre de valorisation ou de coopération, voire d’action sociale ou politique. Elle peut être tournée vers la sauvegarde d’anciennes formes musicales et la revitalisation de leurs cadres d’enseignement, vers l’aide à la formation disciplinaire et à la mise en archives, ou encore vers le développement de moyens, de débouchés et de stratégies de communication inédits pour les musiques qu’elle investit et leurs interprètes.
Cette expression d’ethnomusicologie appliquée couvre-t-elle les nombreux champs d’action et d’échange auxquels elle invite ? L’ethnomusicologie se définit en effet d’abord comme une connaissance et un « discours sur… », développé dans un cadre académique. Toute action « pour » les musiques du monde relève-t-elle alors encore de l’ethnomusicologie ? Telles sont les questions que ce volume entend explorer à travers une diversité d’exemples, de retours d’expériences et de méthodologies complémentaires.
Etudier les musiques enfantines à partir des musiciens qui les produisent, c’est-à-dire les enfants eux-mêmes, montre comment ces derniers intègrent, reproduisent, modifient et transgressent les codes et les règles du monde dans lequel ils vivent. Nous devons aux spécialistes du « folklore enfantin » des typologies précises des répertoires enfantins et des collectes d’envergure. Mais leur approche est souvent primitiviste – l’origine de la musique se nicherait chez les enfants – ou idéaliste – les enfants comme derniers gardiens de la tradition.
Les textes d’anthropologie, de sciences de l’éducation, d’ethnomusicologie et de psychologie réunis dans ce volume placent notamment la question de l’entre-enfants au centre des débats. Ils permettent de considérer les enfants comme doués d’agentivité dans le monde musical complexe qui les entoure, celui des traditions culturelles, des institutions scolaires et religieuses, de la famille, ou encore des médias. Enfin ils évoquent, à travers les réminiscences des adultes, le rôle fondateur de l’expérience musicale.
L’étude du goût musical a rarement été appliquée aux musiques de tradition orale. Ce numéro aborde cette question non pas sous l’angle philosophique ou sociologique, mais d’un point de vue spécifiquement ethnomusicologique. Il s’agit de montrer comment des musiciens de sociétés variées, expriment et manifestent leurs goûts sur la musique qu’ils pratiquent, en fonction de leurs champs d’expérience.
A partir de l’hypothèse qu’il existe partout une conception du « bien chanter » et du « bien jouer » qui sous-tend les divers savoir-faire musicaux, ce volume aborde les critères du goût musical selon plusieurs méthodes, notamment par l’analyse du vocabulaire des jugements de goût et celle des modalités d’exécution, le tout en relation aux contextes et aux systèmes de pensée locaux. Ce dossier s’attache ainsi à décrire les conceptions vernaculaires du goût musical afin d’explorer le champ des valeurs qu’il manifeste et dont il témoigne.
Bien qu’elle s’inscrive dans une histoire plus ancienne, la « festivalisation » des « musiques du monde » a connu un prodigieux essor au cours des vingt-cinq dernières années. Mais au delà de leurs similitudes formelles, ces manifestations n’obéissent-elles pas à des logiques distinctes et parfois même antagonistes ? En quoi se démarquent-elles des concerts « normaux » ? N’évoluent-elles pas au fil du temps, générant chacune des effets singuliers ?
Afin de répondre à ces questions, le présent dossier vise à instaurer un dialogue transatlantique en offrant la parole à des chercheurs provenant d’horizons variés. Outre certaines réflexions historiques et méthodologiques, ce dossier aborde les enjeux identitaires, politiques, économiques et touristiques négociés autour des patrimoines musicaux dans un cadre de globalisation avancée. Les festivals y apparaissent comme des lieux emblématiques, à la fois relais, nœuds de réseaux, laboratoires d’utopies et d’innovations, mais aussi réservoirs de clichés contribuant à entretenir les clivages entre Ici et Ailleurs.
Ce numéro des Cahiers d’ethnomusicologie réunit des observations portées sur des situations de migrations – souvent forcées et aux effets dramatiques – dans lesquelles la musique et l’action musicale jouent un rôle d’affirmation identitaire et d’intégration sociale.
Alors que les mobilités musiciennes et les transferts culturels sont au cœur du champ disciplinaire de l’ethnomusicologie, les diverses contributions réunies dans ce volume interrogent les pratiques musicales et leur partage, leurs reconfigurations, leurs modes d’incorporation, les échanges qu’elles génèrent, les actions menées en commun.
Quel regard l’ethnomusicologie peut-elle porter sur l’action publique mise en œuvre pour favoriser une forme de coexistence ? Quel peut être son apport, son degré d’implication ? La recherche en sciences sociales, en l’occurrence en ethnomusicologie, ne peut rester sourde aux questions de sociétés, ni faire l’impasse sur l’urgence actuelle. La question qui nous revient alors, s’agissant de musique, est celle de la relation à nouer entre la recherche et l’action solidaire et humanitaire.
« La vie d’artiste » envisage le statut social du musicien, et plus particulièrement du musicien professionnel. Dans certaines sociétés, ce statut est reconnu de longue date, et il fait l’objet de codifications qui déterminent son rôle, ses prérogatives et ses devoirs ; en d’autres cas, la professionnalisation de l’activité musicale est une donnée récente, qui s’est imposée sous l’influence de divers facteurs : nouveaux contextes de performance, nouveaux débouchés, tournées à l’étranger, tourisme, médiatisation, instrumentalisation de la musique...
Dans quelle mesure la professionnalisation du musicien influence-t-elle les divers paramètres de son expression : les répertoires, les contenus esthétiques, le comportement des musiciens, leur rapport au public, etc. ? Ce dossier propose d’examiner ces questions à partir d’une série d’études de cas et de réflexions générales sur le devenir de la musique dans un contexte marqué par l’interculturalité, le syncrétisme et la mondialisation des marchés.
Comme tout chercheur, l’ethnomusicologue se doit de respecter certains principes déontologiques en différentes phases de son activité, notamment la collecte, l’archivage, l’analyse, la communication et la publication. Comment la recherche a-t-elle évolué pour s’adapter aux conditions de terrains souvent marqués par les migrations, les conflits ou les tensions économiques et religieuses ?
L’éthique du métier s’applique aussi aux droits des individus et des communautés produisant les musiques étudiées par les ethnomusicologues. Comment les instances internationales régulant le « patrimoine immatériel », sa « sauvegarde » ou encore la « propriété intellectuelle » (UNESCO, OMPI…) influent-t-elles sur la production des documents de recherche ? Comment ces différents facteurs contribuent-ils à redéfinir la relation enquêteur/enquêté ? Telles sont les questions auxquelles les ethnomusicologues sont constamment confrontés dans leur pratique, et sur lesquelles ce volume propose quelques pistes de réflexion.
L’étude des relations entre musique et émotions – historiquement un problème avant tout philosophique – connaît depuis quelques années un développement croissant dans le domaine des sciences cognitives. La plupart des théories émises reposent sur des approches de type esthétique ou psychologique, généralement centrées sur les répertoires classiques occidentaux, avec quelques incursions dans le domaine des musiques « actuelles ».
Bien que cette question puisse a priori concerner toute société humaine, les ethnomusicologues ne l’ont que rarement abordée de manière approfondie. L’ambition de ce volume est de combler ce manque tout en répondant à l’attente de chercheurs d’autres horizons. À partir d’observations de terrain, les contributions analysent comment les affects sont générés, exprimés, partagés dans une société donnée.
Le champ musical est à la fois porteur et producteur d’histoire. Mythes et épopées, récits chantés de nature historique, dynastique ou généalogique, activités rituelles ou traditionnelles de musiciens et de chanteurs : les musiques de l’oralité jouent un rôle important comme supports de la mémoire sociale et collective. À travers leurs formes, genres, répertoires, techniques et styles, ces musiques portent la marque de l’histoire, qu’elle fasse état d’une grande stabilité ou au contraire de transformations radicales. De même, les instruments sont chargés d’histoire, à travers leurs mythes d’origine, mais aussi l’évolution de leurs dénominations et de leurs caractéristiques organologiques.
Ce thème récent de l’ethnomusicologie, particulièrement dense, est ici décliné globalement (Afrique, Amériques, Asie, Europe) à travers douze communications qui constituent les actes d’un colloque organisé à Nice en octobre 2008.
Dans le monde anglophone, les performance studies sont depuis longtemps un domaine à part entière de l’anthropologie de la musique et des arts scéniques (en anglais : performing arts). C’est grâce aux travaux de Richard Schechner, de Victor Turner ou, pour ce qui est de la musique, de Bruno Nettl que la discipline a acquis ses lettres de noblesse. Or le concept a tardé à s’imposer parmi les chercheurs francophones, probablement en raison de l’ambiguïté que comporte en français le terme même de « performance ».
En effet, celui-ci définit l’exploit d’un athlète ou la prouessea d’une machine aussi bien que l’acte de « mettre en jeu », d’interpréter une pièce d’un corpus ou une œuvre d’un répertoire, qu’il s’agisse de poésie, de musique, de danse ou de théâtre. La diversité des approches, des situations et des champs musicaux abordés dans cet ouvrage montre bien que cette mise en jeu – qui implique aussi souvent une mise en scène – prend des formes très variées, déterminées en fonction du contexte culturel et événementiel dans lequel elle se produit, de l’assistance à laquelle elle est destinée et, évidemment, de la finalité de la performance.
La notion d’identité musicale se réfère autant à celle d’appartenance – qui en fonde la dimension collective – qu’à celle de goût – qui en détermine la composante individuelle. Mais cette dernière renvoie à son tour, en partie, à la société. L’identité musicale ne saurait donc être acquise une fois pour toutes. Elle résulte de processus à la fois cumulatifs et sélectifs, mais aussi conscients et subconscients, imposés et librement choisis, dont la résultante constitue « l’image sonore » d’un groupe ou d’une personne en un lieu et un temps donnés.
Les contributions réunies dans ce volume abordent la question selon des angles complémentaires ; elles tendent à démontrer le caractère fluctuant de la notion d’identité dans le monde contemporain, quitte à la remettre en cause. Quel que soit son contexte de production, la musique est généralement perçue comme un signe de référence à autre chose qu’elle-même. Ce qui nous intéressera surtout ici, ce sont les modes d’identification auxquels elle se prête.
Le chamanisme et les cultes de possession intéressent aujourd’hui un large public en quête de nouvelles formes de religiosité ; ils sont aussi au centre de nombreux travaux récents en anthropologie sociale et religieuse. En dépit d’univers symboliques largement comparables, il est communément admis que la distinction entre ces deux formes rituelles réside dans le fait que, dans le chamanisme, c’est l’officiant qui est censé « voyager » hors de son corps à la rencontre d’un esprit, alors que la possession est plutôt caractérisée par la « descente » de ce dernier dans le corps de l’adepte.
A de rares exceptions près, la musique est toujours présente dans les séances de possession et de chamanisme. Ce constat est à la source d’un vaste débat sur le rôle de la musique en situation rituelle et, plus généralement, sur la nature des pouvoirs dont elle semble investie : une problématique abordée dans ce volume par certains des meilleurs spécialistes de la question, dont certains ont participé au colloque « Entrez dans la transe ! » qui s’est tenu à Genève en 2005.
Jusqu’à récemment, les musiques pratiquées par les femmes ont dans leur ensemble été moins étudiées que leur contrepartie masculine, probablement du simple fait que la majorité des chercheurs étaient des hommes. En offrant la parole à des femmes originaires de cultures très diverses, ce dossier contribuera à rétablir l’équilibre. La réunion de regards féminins sur des musiques de femmes permettra aussi de déterminer s’il existe une sensibilité et un point de vue proprement féminins sur la musique.
Ce volume s’inscrit ainsi dans la perspective des gender studies, terme adopté dans le monde anglophone dans les années 1970 pour définir les études portant sur les diverses constructions socioculturelles du féminin et du masculin. Ce point de vue offre une dimension critique aux recherches, notamment à travers une analyse basée sur la nature des relations et des distinctions qui s’opèrent au nom de critères sexués.
En musique, la notion de forme est directement liée à celle de système musical. C’est en effet à l’intérieur d’un cadre de référence culturellement déterminé que l’intention musicale se manifeste, qu’elle « prend forme ». Sa mise en œuvre procède d’un consensus, qui fait qu’à telle occasion répond en principe telle forme ; mais elle est également conditionnée par les diverses subjectivités mises en relation lors de la performance musicale : celle des « musiquants » comme celle des « musiqués ».
Forme, genre, style, structure... ces termes sont volontiers utilisés à tort et à travers dans la littérature musicale pour définir telle ou telle donnée récurrente d’un langage musical. Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de distinguer ces paramètres avec précision et qu’un certain flou lexicologique est inévitable, tant le domaine de l’ethnomusicologie est vaste et complexe. En réunissant onze textes portant sur des formes musicales d’origines très diverses, ce volume vise à clarifier ce concept, tout en proposant une série d’approches passionnantes et novatrices des musiques dont il est question.
« Musiques à voir » : ce volume aurait aussi pu s’appeler « La musique et le son dans les musées de société ». En effet, à l’heure ou de nombreux musées d’ethnographie sont remis en question, sinon toujours dans leur rôle culturel et pédagogique, du moins dans leur conception muséographique actuelle, il devient urgent de réaffirmer leur importance, mais en tenant compte de l’évolution des mentalités et des technologies. « Si le musée veut retrouver une utilité sociale, il faut probablement qu’il renverse les rôles conventionnels qui lui ont jusqu’à présent été assignés : faire passer l’acte de collecte d’objets et d’étude en second (quitte à contredire vivement Claude Lévi-Strauss) ; placer le public au centre de la réflexion ; puiser non dans les seuls fonds propres d’un musée donné, mais dans un bien commun mis en réseau pour créer un espace particulier de découverte, de dialogue et de débat autour de la musique », écrivent Michel Colardelle et Florence Gétreau dans leur contribution à ce dossier. À cet égard, il appartient plus particulièrement aux ethnomusicologues de repenser la place de la musique et, de manière générale, du son dans les musées. Les contributions ici réunies fournissent à cet égard de nombreuses pistes originales qui, si elles sont suivies, pourront contribuer à alimenter la réflexion.
La musicologie est à la fois l'étude de la musique en soi - y compris ses formes, ses structures et son esthétique - et celle de l'homme faiseur de musique. A cet égard, la musicologie classique et historique a toujours attribué une importance prépondérante à la biographie des grands compositeurs et à leur place dans le développement de l'art musical occidental. Plus portée sur l'observation de la musique en tant que fait social et culturel, l'ethnomusicologie s'attache généralement davantage à la fonction du musicien qu'à sa personnalité. Et pourtant, le récit d'une vie peut se révéler porteur de nombreuses informations sur son contexte, sur le rôle de la musique ou sur le sens ou les caractéristiques des pratiques qui en découlent. Grands artistes, interprètes talentueux ou simples acteurs d'événements musicaux collectifs, les protagonistes de ces "histoires de vies" devraient nous inviter à découvrir quelques-uns des secrets dont est faite l'identité musicale des peuples.
Seuls la musique des sphères, la harpe éolienne et quelques instruments électroniques récents se passent de l'homme pour être mis en vibration. C'est finalement au corps humain que revient le rôle d'agitateur, de stimulateur et d'organisateur de la matière sonore.
Au plus intime du corps naît la voix. A l'origine cachée du chant, un mouvement intérieur se traduit en geste phonatoire. La danse n'est pas loin : les pieds, les mains, spontanément, répondent à ce surgissement dont l'oreille assure le relais. Comment naît le geste vocal ? Comment vient la danse ? Comment l'instrument accueille-t-il celui qui en joue, comment s'adapte-t-il à la physiologie humaine ? A quelles impulsions obéissent le souffle, la voix, les mains, les doigts ou les pieds lorsqu'ils se meuvent pour produire des sons, et quelle est la part des automatismes dans le geste "intérieur" - geste "antérieur" au son - qui conduit le jeu du musicien ? Telles sont, parmi d’autres, les questions qui se posent lorsqu’on pense aux mouvements de la musique dans l’homme, lorsqu’on réfléchit aux gestes de l’homme musicien.
Comment les musiciens témoignent-ils verbalement de leur pratique vocale ou instrumentale ? Que disent-ils de la musique qu'ils jouent ? Quelle valeur et quelle signification donnent-ils à leur pratique ? Dans quel cadre s'inscrit-elle pour eux ? Et encore, quels discours font ceux qui, dans une culture donnée, réfléchissent au pourquoi et au comment de la création artistique : théoriciens, philosophes, esthètes, poètes ?... Quelles sont les dimensions cognitives et extra-musicales de la musique ? En un mot, comment les musiciens pensent-ils la musique ? Tel est le thème de ce dossier, qui nous offre un état de la question à travers une série d'études de cas représentatifs de régions aussi différentes que le désert de Namibie, le Tchad, le Maroc, le Pays basque, la Bretagne, la Sardaigne, la Silésie, l'Afghanistan, le Tibet, la Chine et l'Australie.
Un courant important de la création artistique contemporaine, tant savante que populaire, est fondé sur les rencontres et les emprunts interculturels. Le phénomène n’est cependant pas nouveau : réalité tant physique que sociale et culturelle, le métissage adopte en musique des formes extrêmement variées. Quelles en sont les modalités ? Comment le métissage s’opère-t-il dans tel ou tel contexte ? En quoi se différencie-t-il des cas de "fusion" et d’hybridation liées à la world music moderne ? En définitive, toute musique ne témoigne-t-elle pas, à un degré ou à un autre, de processus de métissage ? C’est à ce type de questions que ce volume tente d’apporter des éléments de réponse à travers une série d’études, non seulement sur les grandes cultures métissées comme celles qu’on peut les observer sur le continent américain, mais aussi sur des cas particuliers significatifs de métissage historique ou, a contrario, sur des expériences récents de rencontre interculturelle pouvant contenir les germes de phénomènes durables.
Transcrire ou décrire : tel est le dilemne auquel sont souvent confrontés les ethnomusicologues. A qui s'adresse la notation ? au praticien ? au musicologue ? Quel est son but ? aide-mémoire ? aide à l'apprentissage ? fixation ? possibilités comparatives ? Qu'y a-t-il lieu de noter ? hauteurs, durées, timbre, geste du musicien ? Où en sommes-nous aujourd'hui avec les nouveaux outils technologiques (ordinateur, playback, Sonagraph, etc.) dont nous disposons ? Doivent-ils nous conduire à abandonner la notation sur portée ? Qu'en est-il par ailleurs de l'étude des notations musicales rencontrées dans certaines traditions ? Quels en sont les principes et comment fonctionnent-elles au sein de leur culture ? Quels sont enfin les enseignements que ces notations nous fournissent sur les méthodes cognitives qu'elles mettent en jeu ?
Ce volume est consacré à un thème encore rarement abordé par la recherche ethnomusicologique: le rythme. Les articles réunis touchent à des régions du monde aussi éloignées géographiquement que culturellement. Tout aussi divers sont les points de vue et les approches qui s'y manifestent.
Y a-t-il ou non présence d'un cycle rythmique défini par les musiciens et identifiable par le chercheur? Quel est le rapport qui s'instaure entre musique chantée et accompagnement instrumental? Quelle terminologie adopter lorsqu'on traite du rythme? Comment échapper aux servitudes de la notation du solfège occidental et à la tyrannie du métronome? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles les contributions à cet ouvrage tentent de répondre.
L'expansion des modèles culturels occidentaux à l'ensemble de la planète menace-t-elle les identités régionales ou est-elle susceptible de les enrichir? L'ethnomusicologue doit-il concentrer ses recherches sur des domaines musicaux qui ne sont parfois plus que des survivances de sociétés en péril, ou au contraire se situer dans une "ethnomusicologie du présent" sensible aux changements? Quelle est sa position face aux musiques urbaines, au développement du phénomène du "concert" appliqué à des musiques qui n'y sont a priori pas destinées, ou à la world music interculturelle?
Telles sont quelques-unes des questions auxquelles ce dossier essaie d'apporter des éléments de réponse. Les différentes contributions apportent un faisceau d'éclairages complémentaires, soit généraux, soit concentrés sur un cas significatif, sur une conjoncture dont les incidences touchent aujourd'hui l'ensemble de la planète.
Les contributions ici rassemblées montrent comment, dans des conditions très diverses - village de brousse africain, campagne ou ville marocaine, forêt amazonienne, situation insulaire des Célèbes ou de la Sardaigne, province chinoise du Jiangsu ou région autonome du Turkestan, monastère tibétain, ville du Yémen... -, des musiciens et des ethnomusicologues ont vécu le dépaysement sonore auquel ils étaient soumis.
Les auteurs expriment quelles étaient leurs attentes, font part de leurs difficultés ou de leurs déceptions, mais disent aussi la richesse d'une expérience pleine de surprises, d'autant plus difficile à communiquer qu'elle s'est approfondie sur un laps de temps prolongé. Ainsi, comme le dit l'un d'entre eux, le terrain est "la condition sine qua non de la profession d'ethnomusicologue".
L'esthétique peut être définie comme la "science du beau culturellement déterminé", et en même temps comme le "pouvoir attractif de la beauté"; elle se réfère ainsi aux domaines de la métaphysique, de la philosophie, de l'anthropologie culturelle et de la psychologie.
La richesse et la diversité des conceptions musicales de l'humanité démontrent que, si la notion d'esthétique est toujours liée à celle d'harmonie, les solutions pour tendre vers cet idéal diffèrent considérablement d'une culture à l'autre. En passant des grandes civilisations d'Orient et d'Occident aux expressions populaires du XXe siècle que sont par exemple le blues et le flamenco, sans ignorer quelques cultures encore méconnues d'Afrique, ce volume apporte une nouvelle contribution à la réflexion sur le rôle et la signification de la musique dans la société.
Une opinion courante répartit l'ensemble du champ musical en deux grandes catégories: les monodies et les polyphonies. Une telle division est évidemment trop sommaire, compte tenu de l'immense diversité des faits musicaux observables. Le domaine polyphonique regroupe ainsi une quantité de procédés, purement vocaux, exclusivement instrumentaux ou résultant d'une combinaison des deux.
Chaque manière d'organiser l'espace polyphonique et d'en combiner les parties dépend des goûts et des aptitudes propres à une société donnée à une période de son histoire. Le panorama offert par ce volume permet de mesurer l'ampleur de ce phénomène, tout en faisant état des principaux axes de recherche contemporains qui le concernent.
Il n'est pas de peuple sans rites, de même qu'il n'est pas de peuple sans musique. De tout temps et en tout lieu, l'homme a eu recours à des pratiques destinées à organiser les relations entre l'individu ou la collectivité et les cycles biologiques et astronomiques régissant l'existence. Reposant sur une cosmologie et un réseau de croyances propres à une civilisation ou à un groupe déterminé, les rites répondent aux interrogations les plus fondamentales de l'être humain sur sa condition.
Quelle qu'en soit la nature - rite de passage, rite saisonnier, religieux ou ésotérique - le rite est en soi un acte symbolique, jugé efficace par ceux qui ont coutume de s'y adonner. Or cette efficacité dépend souvent de sa composante musicale, considérée comme le moteur du rite, ainsi que le démontrent les différentes contributions à ce volume.
Chantée ou parlée, la voix est l'organe essentiel de la communication. Dans de nombreuses civilisations, elle constitue en outre la référence suprême de la musique instrumentale, dont les critères d'excellence reposent justement sur son aptitude à imiter la voix, à en reproduire le timbre et les inflexions.
La notion d'esthétique musicale est éminemment culturelle, et l'existence d'innombrables techniques vocales relativise la conception occidentale de pureté de la voix. Une telle diversité suscite aujourd'hui des recherches de plus en plus approfondies, sur les plans tant sémantique et anthropologique que musicologique. Les contributions à ce dossier en fournissent un large panorama.
Selon une croyance quasi universelle, certaines musiques sont investies de pouvoirs, d'où leur efficacité dans des rites permettant à l'individu ou à la collectivité de communiquer avec le monde invisible. D'autres musiques sont porteuses de messages subliminaux et d'effets, dans la mesure où leurs formes sont adaptées à leur finalité. Ainsi, l'usage de la musique à des fins politiques est fréquent, en tant que signe du pouvoir ou que de véhicule de sa propagation. Cette relation peut d'ailleurs revêtir une autre dimension : celle de l'influence du politique sur le musical.
Pouvoirs de la musique, pouvoirs par la musique, pouvoirs sur la musique : tels sont les axes d'une relation toujours complexe et ambigüe que les contributions à ce cahier se proposent d'aborder.
Ce premier dossier aborde le thème de la transmission de la musique, processus souvent ébranlé dans ses fondements mêmes par les transformations radicales de l'environnement socio-culturel. Dans la multiplicité de ses modalités, cette transmission met en évidence des méthodes d'apprentissage qui sont en soi révélatrices des structures sociales propres à chaque culture. Dans ce premier volume également, un hommage est rendu à l'ethnomusicologue français Pierre Sallée, récemment décédé. Les deux entretiens qui lui font suite présentent deux personnalités marquantes de l'ethnomusicologie: l'africaniste Gilbert Rouget et le musicien japonais Tomiyama Seikin, maître du shamisen. Enfin, une rubrique permanente est réserevée aux comptes rendus de publications récentes.
Ce volume propose d'explorer les situations de conflit et d'agressivité qui émergent des performances musicales et dansées. Sans chercher à postuler des relations de cause à effet entre formes sonores et comportements, les articles qui le composent fournissent une analyse des dynamiques individuelles et collectives, des rapports de force, et de leurs rôles dans la fabrication de systèmes de relations.
Cette réflexion met la musique et la danse au cœur de la production de l'agressivité, des tensions, des débordements, tout en envisageant l'incidence de ces derniers sur la transformation des performances et les pratiques de composition.
Différents contextes sont ici envisagés, des rituels aux conflits politiques et armés, en passant par les occasions festives, le sport et la vie quotidienne. A partir d'un ancrage ethnomusicologique, ce dossier a pour objectif d’interroger la notion même d’agressivité et de mettre l’accent sur les dispositions et l'intentionnalité des acteurs sans restreindre son périmètre aux seules atteintes physiques caractérisées.
Dossier coordonné par Katell Morand, Giordano Marmone et Sisa Calapi.
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Le timbre musical, au cœur de la matérialité du son, ne se mesure pas et ne peut être décrit objectivement. Son évocation et sa description empruntent alors souvent aux sens du toucher, du goût et de la vue (« couleur sonore ») ou font intervenir des catégorisations esthétiques et culturelles vernaculaires (genre, attributs physiques, hiérarchies sociales et politiques, polarités diverses) reflétant le statut social, politique et religieux du sonore.
Le timbre peut être vécu comme traditionnel – signature tant collective qu’individuelle –, être au centre de menées patrimoniales ou de revendications identitaires, être vecteur d’ethos et parfois de pathos, avoir une dimension esthétique (maîtrise de la production vocale ou instrumentale, recherche de la diversité et de la complémentarité des sons). Comment, dans ces conditions, l’aborder autrement que par le biais d’une riche interdisciplinarité (acoustique, organologie, psychologie, anthropologie religieuse, politique et sociale), dont le présent numéro s’est voulu l’illustration ?
Dossier coordonné par Luc Charles-Dominique
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Le postulat de départ de ce dossier consacré aux « cultures du numérique » est simple : l’activité musicale que nous observons aujourd’hui dans la plupart des pays du Nord comme du Sud va de pair avec l’utilisation de la technologie numérique. Un nouvel écosystème musical se met en place sous nos yeux, qu’il s’agit de décrire et de questionner en considérant le numérique dans sa dialectique outil globalisé vs artefact culturel. Acteurs, métiers, savoirs, lieux et publics : que transforme, produit ou réifie le numérique ? Quels sont les enjeux politiques et économiques, les logiques sociales, les imaginaires technologiques à l’œuvre ?
Proposées par des chercheurs du Nord et du Sud, les contributions de ce dossier reflètent la diversité des approches, des outils d’analyse et des thématiques liées à la question des cultures du numérique, témoignant de l’intérêt croissant de l’ethnomusicologie francophone pour ce nouveau champ de recherche.
Dossier coordonné par Emmanuelle Olivier
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Ce dossier des Cahiers d’ethnomusicologie n’est pour une fois pas axé sur une thématique particulière. L’idée est d’offrir une opportunité de publier à des chercheurs travaillant sur des domaines ne correspondant pas forcément aux axes de recherche proposés chaque année dans cette revue. La préférence à été donnée à des travaux de professionnels dont les orientations et les champs d’intérêt contribuent à renouveler la réflexion sur les enjeux et, de manière générale, sur le devenir de la discipline.
Les textes présentés dans cette publication illustrent une diversité de terrains et d’approches extrêmement stimulante. Expressions collectives identitaires, manifestations d’un monde désormais multipolaire ou produits de recherches individuelles originales, les musiques examinées par les différents auteurs témoignent de la multiplicité des préoccupations animant la recherche ethnomusicologique contemporaine.
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Fondés à Genève en 1988 dans le cadre des Ateliers d'ethnomusicologie et soutenus par la Société française d’ethnomusicologie, les Cahiers d’ethnomusicologie (anciennement Cahiers de musiques traditionnelles) proposent à leurs lecteurs une publication annuelle. Chaque ouvrage est centré sur un dossier thématique, complété par des rubriques d'intérêt général : entretiens, portraits, brèves et comptes rendus.
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Bien qu’intimement connectée à la poésie, à la musique et à la danse, l’épopée demeure assez rarement abordée dans le champ de l’ethnomusicologie, du moins lorsqu’il s’agit de l’appréhender, en un même ouvrage, dans sa diversité. Sans prétendre épuiser le sujet, ce qui constituerait une gageure, le festival et le colloque « Musique et épopée », qui se sont tenus à Genève (ADEM-HEM) en 2022, ont proposé à des artistes et des chercheurs de croiser leurs expériences et leurs savoirs en envisageant des récits épiques d’origines historiques et géographiques variées dans leur relation à la parole vivante et aux arts de la performance.
Les articles et les témoignages d’artistes du présent dossier des Cahiers d’ethnomusicologie se font l’écho des spectacles, communications et débats qui ont animé ces événements. La réflexion porte sur les formes et techniques d’interprétation, le statut et la place du « barde » et, plus largement, de celles et ceux qui célèbrent et incarnent le récit au sein de l’épopée.
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Fondés à Genève en 1988 dans le cadre des Ateliers d’ethnomusicologie et soutenus par la Société française d’ethnomusicologie, les Cahiers d’ethnomusicologie (anciennement Cahiers de musiques traditionnelles) proposent à leurs lecteurs une publication annuelle. Chaque ouvrage est centré sur un dossier thématique, complété par des rubriques d’intérêt général : entretiens, portraits, brèves et comptes rendus.